Les Aztèques

Charme, terreur, subtile modernité.
Les Aztèques, peuple du soleil. 
Pointe-à-Callière, Cité d’archéologie et d’histoire de Montréal.

350 Place Royale, Montréal, QC.

H2Y 3Y5

514-872-9150

Pacmusée.qc.ca

Du 30 mai au 25 octobre 2015

Cet événement nous révèle une vision nuancée de la culture Aztèque, grâce à un savoir complexe de ses caractéristiques et de ses enjeux. Le musée Pointe-à-Callière nous régale avec une abondance de sculptures, bas-reliefs, d’objets d’art et d’artisanat crées pendant les environ deux siècles d’existence de l’Empire aztèque – qui perdure entre 1325 et 1521 – la première de ces dates marquant la fondation de Tenochtitlan. Selon Jacques Soustelle, spécialiste de la Mésoamérique, l’ art aztèque se caractérise par la perfection technique et la puissance symbolique. Des codex – documents écrits et illustrés dans le sillage de la conquista espagnole – placés de manière évocatrice au long du parcours muséal, constituent des documents essentiels afin de comprendre l’univers aztèque : ces recueils de bandes en papier d’amate – essence extraite des forêts mésoaméricaines – ou encore en cuir, dévoilent des aspects mythologiques, de l’histoire et de la vie quotidienne des Aztèques.

 

L’art aztèque s’inscrit dans une tradition culturelle millénaire. Héritiers de plus de trois mille ans de civilisation – la datation archéologique nomme leur époque la postclassique – les Aztèques font partie de l’espace culturel mésoaméricain ; leur art emprunte aux cultures qui les ont précédé : des Olmèques, de la culture de Teotihuacan, des Toltèques… Des Olmèques, les Aztèques se sont inspiré dans leur sculpture des monolithes : de la culture de Teotihuacan et des Toltèques, ils ont adopté la forme des temples qui se présentent comme des pyramides tronquées.

 

Les Aztèques possèdent une mythologie complexe réunissant quelque deux mille déités dominées par Huitzilopochtli, principal dieu, et seigneur de la guerre. Leur art est presque complètement rituel, et néanmoins pétri de réalisme : intégré à des temples ou à des complexes urbains, il démontre aussi un esprit utilitaire. Son charme tient à ces multiples rôles. La vie aztèque baigne dans le rituel et la mythologie : cependant, de pitoresques contes rituels prennent, hélas, une tournure macabre, car les prisonniers de guerre, des esclaves – et même des enfants- sont sacrifiés pour reproduire des apects de ces récits. Ainsi, pour que le soleil puisse encore se lever à l’aube, que l’univers perdure, des déités – dont Huitzilopochtli, ou Tláloc, dieu de la pluie et de la foudre – doivent être abreuvés de sang sacrificiel. Mais il ne faut pas oublier qu’au cours de la dernière période de l’Empire aztèque, l’Inquisition, elle, avec ses milliers de bûchers, sévissait également en Europe…massacre rituel s’il en est.

Le trajet muséal comporte deux volets.  Le premier – historique et anthropologique – met en lumière la vie quotidienne et l’histoire aztèque. Le second traite de leur mythologie et de la vie rituelle. Le parcours comporte une coda dédiée à la conquête espagnole et au phénomène colonial du métissage des peuples et des cultures.

L’équipe de Pointe-à-Callière, sous la direction de Francine Lelièvre, continue, cette fois aussi, l’exploration des grands moments de l’histoire des cultures, illustrés par des expositions telles que Les Grecs d’Agamemnon à Alexandre le Grand, ou encore Les Étrusques, civilisation de l’Italie ancienne. Seize musées mexicains ont fait des prêts d’œuvres pour l’évènement, conseillés par l’Institut national d’anthropologie et d’histoire du Mexique.

Tribu guerrière à l’origine, issue du nord du Mexique, les Aztèques errent pendant trois siècles avant de fonder en 1325 leur capitale, Tenochtitlan, sur une île au milieu du lac de Texcoco. (c’est l’actuel emplacement de la ville de Mexico) Le choix du site émane du rêve prophétique d’un prêtre chaman – le rituel aztèque fait la belle part au rêve prophétique. Le dieu de la guerre, Huitzilopochtli, veut que la capitale soit établie là où un aigle royal posé sur un cactus dévore un serpent.

Huey Teocalli – ou le Templo Mayor – est fondé, avec ses deux tours pyramidales, pourvues d’autels sacrificiels voués à Huitzilopochtli et à Tláloc. Au cours de deux siècles, à la faveur de conquêtes et d’alliances avec des tribus voisines à demi dominées, les Aztèques forgeront un empire de quelques deux cent mille kilomètres carrés. Nourris par les immenses tributs des peuples soumis, l’art et l’urbanisme fleurissent à Tenochtitlan. En 1521, après une incroyable et épique campagne guerrière, Cortés lui vient à bout : certes, la chance sourit à Cortés, mais il est aussi servi par la technique européenne du canon, des arquebuses portatives, par la protection de l’armure…par l’utilisation du cheval en guerre.

Les Aztèques étaient adeptes de l’urbanisme. Leurs villes présentaient une grande sym+métrie. Dans le contexte actuel, ils ont peut-être une leçon à nous offrir : à Tenochtitlan, toutes les nouvelles constructions devaient être approuvées par le calmimilocatl, un fonctionnaire chargé de l’urbanisme de la cité.

Influencé par la statuaire olmèque, par l’art de l’orfèvrerie des voisins mixtèques et huaxtèques au sud-ouest de Tenochtitlan, l’art aztèque fait preuve d’un vigoureux réalisme ainsi que d’un symbolisme ésotérique. On peut penser à une forme d’expressionnisme. En architecture, sculpture, orfévrerie, dans l’art du masque en pierre semi précieuse, on admire la puissance et l’énergie des formes. Les Aztèques taillent en roche vive pour dévoiler des déités, des animaux et des humains, parfois réalistes – parfois fortement stylisés – souvent afin d’inspirer la terreur. Tláloc, en céramique, avec ses incisifs effrayants; Coatlicue, mère des dieux, avec son collier de crânes, taillée en pierre volcanique, témoignent d’un irrépressible sens du macabre – augurant le sacrifice humain.

Mais les bijoux en or présentés par l’empereur Monctezuma à Cortés font preuve de raffinement et de sensualité, d’un sens des proportions harmonieuses.

Le mexicaniste Jacques Soustelle écrit : « L’art aztèque est moins flamboyant que l’art maya…moins rigide que l’art toltèque. (…) La notion d’art pour l’art est étrangère à ces civilisations. Leur art plastique s’acquitte d’une fonction déterminée : évoquer le monde du sacré, fournir au rituel l’iconographie et le cadre matériel qui doit l’entourer, rendre visibles, palpables les symboles qui constituent le langage ésotérique de la religion ».(1)

Dans les codex – à l’instar de l’écriture chinoise – les glyphes ou pictogrammes aztèques réunissent l’écriture et la peinture. À partir d’images concrètes, telles que les semelles qui représentent la migration, ou des bâtonnets arrondis qui annoncent la voix et la parole, l’écriture aztèque se dirige aussi vers le sens abstrait. Cette écriture préfigure la bande dessinée : on a l’impression d’être en plein dans le monde de nos bandes dessinées…en plus raffiné.

Des liens très clairs peuvent être établis entre l’écriture aztèque et le signe pictural contemporain d’artistes, tels que le Mexicain Sergio Hernandez, ou Keith Haring, dont on peut citer un texte inclu dans le catalogue de l’exposition New Wave Aztec du Musée Guggenheim (2004) : « Mes dessins n’essaient pas d’imiter la vie; ils créent la la vie, ils inventent la vie. Voilà une idée bien plus primitive; c’est la raison pourquoi mes dessins ont l’air d’être à la rigueur aztèques, égyptiens ou aborigènes; ils ont la même attitude envers le dessin : inventer des images ». (2)

Références