L’étrange douceur d’un style
Les étrusques – civilisation de l’Italie ancienne
Pointe-à-Callière, Musée d’archéologie et d’histoire de Montréal
350, place Royale angle de la Commune
Vieux-Montréal H2Y 3Y5
Téléphone : (514) 872-9150
www.pacmusée.qc.ca
Du 26 juin au 25 novembre 2012
Un événement exceptionnel marque l’ouverture au cours de l’été 2012 du cinquième pavillon du musée Pointe-à-Callière. Il s’agit d’un tour d’horizon de l’art et de l’histoire étrusque, domaine en quelque sorte resté dans l’ombre par rapport au champ d’études grec et latin. L’événement s’inscrit parmi les vingt « grands rendez-vous » proposés par Pointe-à-Callière afin de souligner son vingtième anniversaire.
Des chefs-d’œuvre ponctuent une présentation perspicace, érudite d’une civilisation parfois vue comme mystérieuse. Étonnant secret étrusque, car depuis quatre siècles des milliers d’objets étrusques ont été déterrés en Italie, et l’écriture étrusque a été largement déchiffrée. Il s’agit de titres de propriété et d’autres messages juridiques, et il est étrange qu’une si accomplie culture dans le registre artistique n’ait pas laissé pour la postérité une grande littérature. Peut-être celle-ci reste encore à découvrir.
La peinture étrusque, la sculpture, la céramique, les ustensiles en or et argent de ce peuple brillent sous nos yeux de mille feux; ils émanent une aura particulière investie d’élégance et d’une très spéciale douceur : l’ « esprit étrusque » qui démarque les Étrusques de leurs contemporains et successeurs. Culture régie par le monde sacré, elle prise aussi et en égale mesure la sensualité, la gastronomie, la musique, les parfums – dont de nombreux fiasques et flacons nous sont parvenus- les arts plastiques… Fondateurs de riches cités dans l’aire des provinces actuelles deToscane, Émilia-Romagna et Lazio, grands navigateurs, artisans raffinés, commerçants astucieux, les Étrusques ont des rapports de rivalité et collaboration avec leurs contemporains Grecs, Phéniciens et Égyptiens, avant d’être attaqués, et à la suite de siècles de guerres, conquis par leurs voisins romains. Ils furent en même temps graduellement assimilés par Rome en continuelle expansion. Les Romains ont reconnu et utilisé les remarquables talents des Étrusques. L’empereur Claude, au début de notre ère, écrivait une histoire étrusque en dix volumes, malheureusement perdue. Peu à peu, les Étrusques recevaient des droits égaux aux citoyens romains en échange de la reconnaissance de la primauté de l’empereur.
Organisée sous la direction de Francine Lelièvre, directrice générale de Pointe-à-Callière, la présentation suit des axes historiques et artistiques. Des œuvres d’art bien choisies illustrent le cheminement historique de l’Étrurie jusqu’à l’ultime dissolution des villes et structures politiques étrusques dans l’Imperium romanum au début de notre ère.
« L’exposition est une exclusivité pour nous », explique Francine Lelièvre. « Je suis historienne de formation… de mes années au lycée, j’ai conservé une admiration pour les Étrusques. En tant que directrice de musée, j’ai eu l’occasion d’organiser cet événement qui met en valeur leur civilisation. Comme commissaire d’exposition associé, j’ai choisi un étruscologue réputé, Filippo Delpino. Vingt-trois musées ont prêté des objets et contribué à l’organisation de l’événement. Parmi ceci se retrouvent : Villa Giulia de Rome, le musée archéologique de Florence, les musées du Vatican, le Louvre et le British Museum… » L’exposition réunit également des relevés de la tombe dite du Triclinum à Tarquinia, en Toscane. Commandés par la Bibliothèque vaticane, ils furent exécutés au cours des années 1830 par Carlo Ruspi, qui se désignait comme « artiste-archéologue ». La fragilité des fresques exposées à l’atmosphère rendait l’initiative de Ruspi indispensable.
Dans ces fresques, les cortèges de danseurs et de musiciens laissent admirer les toges qui se meuvent en cadence : on est séduit par le rythme et la musique des contours, par la dynamique de l’espace plastique, ainsi que par ces lignes droites imaginaires qui semblent relier des regards juvéniles extrêmement vifs, éloquents.
Au centre de la vie des aristocrates étrusques se trouve le banquet. Il exprime cette joie de vivre étrusque indissociable de la vie, mais représentée aussi dans les tombeaux. La vaisselle du banquet funéraire y est placée avec le disparu. Les tombeaux étrusques nous ont légué une grande quantité d’objets liés au ménage, d’ustensiles de cuisine d’une forte présence stylistique. On remarque le grand chaudron en bronze de soixante-quinze centimètres de diamètre pour la préparation des ragoûts. On admire la finesse des porte-vases, les paires de chenets, les broches et les pinces pour la rôtisserie. Le graffione, qui paraît une araignée en bronze, sert à rôtir la viande et à repêcher les morceaux ayant mijoté dans le chaudron. On note l’étonnant design, cette harmonie intelligente des objets qui paraissent si actuels.
Des tombes étrusques renferment une céramique à pâte et surface noire: le bacchero qui émane toujours un intense parfum de terre. Sa production apparaît initialement à Caere, en Toscane actuelle. Vase au calice d’un noir reluisant aux eaux grisâtres, il est caractérisé par des parois très minces sur lesquels il y a le plus souvent des décorations incisées après cuisson. Dans les rondeurs et flûtes des contenants, il y a quelque chose d’élancé, de joyeux, de diaphane. Ces objets connaissaient un vif succès auprès des marchés étrangers les plus éloignés d’Italie, telle l’Europe centrale où l’on a retrouvé des fragments de bucchero…

Témoins du raffinement étrusque, des gracieux plectres (bâtonnets) en ivoire étaient utilisés par des joueurs de lyre, afin de mieux faire chanter les cordes. En orfèvrerie, les Étrusques connaissent le travail de l’or « à poussière », pulviscolo : des billes en or extrêmement petites étaient soufflées sur des colliers et fibules, merveilleuses épingles pour attacher des vêtements. Les bustes en terre cuite masculins et féminins témoignent d’un vécu intérieur nuancé, complexe… plus ambigus que la sculpture romaine du même genre, celle-ci étant plus volontaire, empreinte par un esprit de décision.
L’esprit étrusque, des concepts étrusques nous accompagnent jusqu’à présent, car à travers le latin, le français a hérité de tout un vocabulaire étrusque varié, perspicace, dont témoignent les mots suivants: avril, cérémonie, masque, personne, satellite, servir, tribu, vernaculaire…
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