Brian Finn

Subtils portraits: L’attitude hip-hop
(titre de l’expo) Hip Hop: Wanted Dead or Alive
Commissaire : Pascale Montplaisir Jules
Galerie Station 16
3523 Boul. Saint-Laurent
www.station16shop.com
(514) 831-0038
Du 4 au 18 novembre 2013

Dans ses portraits au crayon, Brian Finn, graphiste et dessinateur montréalais, capte une certaine correspondance entre les rythmes corsés de la musique hip-hop et la vigueur et la rudesse de ses interprètes. Une terrible assurance se dégage de quelques-uns de ces personnages. Le geste de Brian Finn saisit ce qu’en anglais américain on appelle attitude, ce qu’en français pourrait être exprimé comme une certaine hauteur qui doit faire partie du personnage théâtral de ces bardes et poètes, poètes chanteurs des ghettos noirs américains.

Le hip-hop – hip veut dire cool, désinvolte : hop comme danser – voilà, ce qui, une fois, dans les années soixante-dix, était une poésie chantée des ghettos noirs de New York. Aujourd’hui, cette musique avec ses vidéos est devenue, en quelque sorte, la musique de la jeunesse du monde. Sur You Tube, le nombre de « visiteurs » des vidéos de Drake, Snoopy Dog, Easy E…, se comptent dans les dizaines de millions. La musique, qui traduisait une fois le sentiment communautaire des Noirs, s’est métamorphosée pour exprimer le désir de success story de toute une jeunesse, même celle des banlieues blanches, plus ou moins huppées. En France, toute une scène culturelle hip-hop est devenue un facteur avec lequel les décideurs culturels doivent compter depuis les années quatre-vingt, déjà.

Brian Finn dessine ses portraits au rythme de la musique hip-hop, le volume tourné au maximum, pour ébaucher chacun des cent vingt interprètes représentés dans cet événement. « Le caractère se voit dans les yeux », dit le dessinateur. « Le point blanc de la prunelle exprime l’attitude. Quand je déplace ce point, l’expression du visage change ». Finn s’inscrit dans une démarche photo-réaliste avec une pointe d’expressionnisme, ce qui résulte dans une forme d’hyper-réalisme. En regardant ces images, le titre d’un livre récent par la journaliste Natalie Petrowski, Portraits retouchés, vient aussi à l’esprit. La spontanéité du trait de Finn saisit l’aspect grotesque d’Easy E avec ses deux pistolets croisés en main, le regard menaçant de Jay Z, ou celui de Notorious B.I.G.

« Détrompons-nous ! », exclame Finn. « J Blidge chante l’amour. Common dénonce la pauvreté. Talib Kweli, qui est musulman, nous parle de poésie ». L’histoire du hip-hop, qui est celle de la culture d’un groupe opprimé récupéré par la très puissante industrie du disque, est une histoire de métamorphoses. Aux métamorphoses correspondent des masques. Les interprètes du hip-hop adoptent tous des pseudonymes, et l’attitude de défiance machiste exhibée par beaucoup d’entre eux correspond autant à un tempérament, qu’à l’exigence de l’industrie du disque.

Le hip-hop et sa trame poétique rythmée rap avait dans les années soixante-dix et au début des années quatre-vingt un contenu social afro-américain. Les rappeurs répandaient la nouvelle de leurs vies, de leurs rêves, des adversités qui les guettaient : ils voulaient les faire connaître au-delà de leurs communautés. Ils relèvent d’une tradition orale et musicale africaine qui souligne le pouvoir fondateur du mot d’agir sur la réalité même. Les rappeurs rappellent les griots, historiens oraux du Sénégal. La pression du milieu des affaires a transformé en grande partie l’articulation de la musique hip-hop. Du rêve pacifiste communautaire du fondateur du hip-hop Africa Bambaata, on aboutit, sous l’influence de la pression commerciale, aux rythmes grotesques du pimp (proxènète) et gangsta (gangster) rap promus par MTV dans le Top 40 du hit-parade. L’ambiguïté règne cependant, car pour bien des jeunes défavorisés des ghettos, la violence reste un moyen acceptable de s’en sortir. Et un immense auditoire de fans autour du monde, écoutent, regardent, eux-aussi : hypnotisés.